20/02/2017

Barcelone promeut un plan de lutte contre l'islamophobie au niveau local

Le 16 Janvier dernier, la ville de Barcelone a lancé un plan municipal pour lutter contre l'islamophobie. Le plan a été approuvé après un processus de consultation avec les représentants de la communauté musulmane de Barcelone, avec des associations de femmes musulmanes, d’organisations de défense des droits humains et d’experts internationaux.

D’une durée de 18 mois, ce plan est doté d'un budget de 102.000 €, destiné à mettre en œuvre des mesures préventives et des campagnes de sensibilisation afin de mieux appréhender les discriminations à caractère islamophobe à Barcelone. Plus concrètement, ces mesures visent à lutter contre les préjugés, à normaliser la diversité religieuse à Barcelone et à renforcer les mécanismes pour garantir les droits des victimes des discriminations fondées sur l’appartenance religieuse. 

Le plan s’appuie sur les conventions internationales et européennes de la protection des droits humains et sur le droit pénal de l'État espagnol. Il s’inscrit dans le cadre  Plan d’action pour les droits humains et l’interculturalité adopté en Juin 2016 par la Ville de Barcelone qu’il vient compléter dans le domaine des discriminations contre les personnes de religion musulmane ou identifiées comme telles qui, malheureusement, se sont intensifiées ces dernières années en Europe et dans le reste du monde.


Entretien avec Jaume Asens, Adjoint aux Droits, à la Citoyenneté et à l’interculturalité  de Barcelone

Pourquoi Barcelone a-t-elle décidé d'adopter un plan spécifique pour lutter contre l'islamophobie?

La discrimination, subie pour quelques raisons que ce soient (sexe, orientation sexuelle, race, classe sociale...) est de notre point de vue une des menaces les plus importantes pour la cohésion et l'inclusion sociale. Barcelone ne vit pas en dehors de la situation internationale dans laquelle une partie de nos concitoyens est devenu suspecte simplement parce qu’ils professent une religion différente ou qu’ils proviennent d’un contexte culturel particulier. Le plan de lutte contre l'islamophobie prévoit vingt-huit mesures dont quinze générales pour lutter contre les discriminations fondées sur l'origine ou la religion. Le reste des mesures  porte sur les mécanismes de protection des droits à la disposition des victimes de discriminations du fait d'être musulman ou d’être perçu comme tel.

Comment avez-vous impliqué les habitants et les personnes concernés dans l’élaboration de ce plan d’action?

Pendant 4 mois, un diagnostic a été réalisé par l'équipe de recherche d’Alberto Lopez Bargados, qui a représenté une première contribution des nombreuses communautés et personnes musulmanes au futur plan. Après la présentation du diagnostic, nous avons lancé un processus consultatif composé de groupes de discussion thématique organisations de défenses des droits, communauté religieuses, femmes et les jeunes), nous avons conduit une série d'entretiens et organisé une journée portes ouvertes à destination du public.

Au total, plus de deux cents personnes ont participé à la rédaction du document. Le plan d’action établit également un comité mixte de suivi avec la participation de toutes les personnes et entités intéressées qui se réunira deux fois par an.

Quelles sont les principales mesures de ce plan? Comment se concrétiseront- elles ?

Les principales mesures du plan dans le domaine de la prévention ont trait à l'autonomisation des personnes musulmanes dans la connaissance de leurs droits et de l'islamophobie comme une violation de ceux-ci; Ce processus d’empowerment  se concrétise à travers des réunions, des sessions de formation et de l'information sur tout le territoire de la ville.

En outre, différents supports et matériaux destinés au grand public seront réalisés afin de  sensibiliser et d’attirer l'attention sur les situations de  discrimination. Des  rapports spécifiques sur la question des discours de haine permettront de faire aussi un état des lieux régulier. En ce qui concerne la mise en œuvre des mesures de protection et de garantie des droits des personnes victimes de discriminations, nous avons engagé un travail conjoint avec les services de sécurité  municipale afin de mettre à jour les enquêtes policières qui relèvent de conduites discriminatoires.

Nous avons aussi  prévu de renforcer les mesures d’accompagnement juridique des victimes. Nous ferons également usage des « litiges stratégiques » : à travers le bureau de lutte contre les discriminations, la mairie saisira la justice lorsque des actes discriminatoires sont caractérisés.  



Barcelone organise les 2 et 3 Mars une conférence sur l'utilisation des réseaux sociaux pour lutter contre la culture de la haine, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce conférence?

Cette conférence est une autre action découlant du programme « Barcelona Ciutat de Drets » (Barcelone, Ville de Droits). Elle vise à contribuer au débat sur la propagation des discours de la haine sur les réseaux sociaux, la nécessité d'une réglementation et les limites de la liberté d'expression. La poursuite judiciaire des discours de haine soulève de nombreuses difficultés qui sont susceptibles de remettre en question l’efficacité des dispositifs existants. Un débat est donc nécessaire parce que la présence de points de vue  intolérants, racistes et xénophobes, encouragés par l'anonymat et l'immédiateté d'Internet, sont une réalité qui nous concerne. La conférence, porte une approche internationale de la question. Elle servira mettre en perspective différentes opinions et regards, mais aussi à encourager le travail collectif et la responsabilité individuelle que nous partageons autour de cette question.