Après avoir assisté à la dernière édition du Forum mondial des villes pour les droits humains, notre Secrétariat s'est rendu à Séoul pour rencontrer des agences municipales et des organisations locales qui défendent les droits humains et le droit à la ville. À cette occasion, et grâce au soutien de notre organisation partenaire « Global Social Economy Forum – GSEF », nous avons pu rencontrer l'initiative populaire Longevity Town (Ville de la Longévité) : des voisins et des organisations locales défendant leur droit à la ville et au logement dans un petit quartier au cœur de la capitale de la Corée du Sud.
Les militants et les voisins s'organisent pour protéger leur droit de rester dans la ville
Le quartier de Longevity Town est apparu tout au long des années 1950 et 1960 comme un lieu d’accueil pour des nouveaux arrivants dans la ville. À cette époque, des vagues de population de l'arrière-pays environnant de Séoul ont fait des maisons auto-construites dans l'ancienne limite nord de la ville qui est aujourd'hui, près du cœur de l'une des aires métropolitaines les plus peuplées du monde, habitée par près de 25 millions de personnes.
Pendant le processus d’urbanisation, de Séoul, les habitants de Longevity Town ont connu de profonds changements dans leur environnement, comme dans la plupart des aires métropolitaines du monde. Certains menaçaient sérieusement leur mode de vie et leur droit de rester dans la ville, comme la construction de grands complexes résidentiels et d'infrastructures qui entraînent très souvent la destruction du tissu urbain traditionnel et l'expulsion de ses habitants.
C'est à l'apogée de ce processus, alors que les forces de l'immobilier menaçaient d'expulser les fondateurs et habitants du quartier, qu'un groupe de militants pour le droit au logement et à la ville a lancé une initiative pour défendre leur droit de rester et revitaliser l’environnement du quartier, qui était habité par des personnes ayant une moyenne d'âge très avancée.
Les représentants de Longevity Town rencontrés par la Commission ont partagé l’origine de leur revendication : avec la dégradation du quartier et la prolifération de dynamiques spéculatives, des activistes métropolitains sur le logement alternatif ont rencontré des résidents locaux pour évaluer leur capacité pour protéger et revitaliser le quartier et l’habitat traditionnel. Ce projet est présenté comme une alternative au modèle posé par les spéculateurs, qui cherchaient à construire de nouvelles promotions de gratte-ciels comme ceux qui prolifèrent aujourd'hui dans tout Séoul.
Après un processus participatif, les voisins ont choisi la réhabilitation et l'amélioration du quartier en fonction de leurs capacités et de leurs besoins.
Revitaliser le quartier et la vie à travers l'économie sociale et la solidarité
Afin d’améliorer et dignifier l'habitat à Longevity Town, les activistes ont fourni soutien technique pour la réhabilitation, l'organisation des voisins et la revitalisation communautaire. Les activistes ont soutenu ces résidents avec peu de moyens ou de capacités pour entamer des réhabilitations dans leurs maisons ou dans la rue, ouvrant un atelier d'urbanisme participatif où ils ont identifié les savoir-faire et les besoins de chacun. Avec la réhabilitation des maisons vides, certains activistes (souvent des jeunes) ont pu également accéder à un logement, permettant ainsi de revitaliser le quartier et de freiner les forces spéculatives autour des terrains urbains de Longevity Town.
Après son succès initial, de plus en plus de voisins ont rejoint l'initiative, consolidant la base pour entreprendre d’autres projets, tels que des groupes de fabrication textile (en accord avec les principes de l'économie sociale), d'art urbain pour l'amélioration des quartiers ou encore des projets de plaidoyer auprès des autorités locales pour améliorer l'approvisionnement énergétique, lutter contre la gentrification et la prolifération du tourisme ou un meilleur accès au transport public. D'un autre côté, le projet a établi des mécanismes permanents de codécision dans lesquels tous les voisins ont une voix, cherchant à engager ceux qui ne participent pas aux processus participatifs.
En perspective, les militants remarquent comme le mouvement a obtenu le soutien du gouvernement métropolitain de Séoul, qui a apporté des aides économiques à la réhabilitation des foyers, a protégé la zone contre les spéculateurs urbains (conférant un statut spécial à Longevity Town en tant que quartier historique) et inclut les activistes dans les processus législatifs pertinents au projet.
Faire du droit à la ville une réalité face aux nouveaux défis urbains
Les militants et les voisins expriment encore aujourd'hui leur préoccupation face aux tendances qui ont toujours menacé le quartier – essentiellement, la spéculation immobilière et la marchandisation du logement - ainsi que des nouveaux défis, tels que la gentrification. En effet, l'amélioration du quartier ainsi que leur proximité avec des sites touristiques tels que le vieux mur de la ville, constitue une menace pour la durabilité de Longevity Town, car elle peut augmenter le prix des maisons et susciter un regain d'intérêt chez les promoteurs. Cette tendance pourrait finir par expulser définitivement ses voisins (comme cela s'est déjà produit dans d'autres parties de la plus grande métropole sud-coréenne).
Les activistes soulignent cependant que la promotion par Séoul de l'économie sociale et de son propre tissu social-urbain est une tendance prometteuse, même si ce processus pourrait prendre du temps à se consolider. En tout cas, c'est dans des environnements urbains comme Longevity Town où la conjugaison entre dynamisme et tradition, des jeunes nouveaux arrivants et le respect pour ceux qui sont établis depuis longtemps, offre des alternatives urbaines revitalisées et durables.
De même, les activistes font remarquer que, bien que « Séoul s'est transformé en une forêt de grands bâtiments et hôtels, il est maintenant rare de trouver un quartier traditionnel avec des gens fascinés par l'histoire et la ville, jeunes et âgés », quelque chose qui « donne une grande valeur sociale à la ville ». En ce qui concerne au droit à la ville, ils ont souligné comment « face à la jungle urbaine de l'acier et du béton, ils défendent des alternatives fondées sur l'humanité », affirmant que la lutte pour le droit à la ville est un défi mondial, et que la lutte pour des villes plus humaines se construit sur la base du sacrifice, de la participation et des efforts des militants ainsi que sur les organisations de la société civile.