Située au nord de Paris, Plaine Commune (neuf villes, 415.000 habitants) est l’un des douze territoires qui compose l’aire métropolitaine du Grand Paris. Territoire jeune, dynamique et avec un fort potentiel de développement économique, il est également l’un des plus pauvres de France. Une grande partie de sa population rencontre d’importantes difficultés sociales et vit dans de mauvaises conditions.
Depuis près de vingt ans, les projets de renouvellement et de requalification urbaines se sont succédés, permettant à Plaine Commune d’améliorer la qualité de vie de ses habitants et faire face aux besoins en matière de logement grâce à une stratégie de transformation de ses friches industrielles et du foncier disponible. L’éradication de l’habitat indigne, la lutte contre la spéculation et les marchands de sommeil et la garantie d’un logement pour chacun ont ainsi été des axes structurants de l’action du territoire.
Étant donné que cette exemple est intéressant pour comprendre comment le droit à la ville peut être concrétisé et mis en œuvre par les pouvoirs locaux, la Commission a interviewé le Vice-Président à l’Habitat et au Foncier de Plaine Commune, David Proult.
Quelle est la situation de Plaine Commune par rapport à la métropole parisienne sur le plan socio-économique ?
Plaine Commune est un territoire populaire, avec deux tiers de sa superficie classé en géographie prioritaire (les quartiers qui nécessitent une intervention ciblée des politiques publiques). Il se caractérise par un important parc social, représentant près de la moitié des logements et un parc locatif privé, fragile voir dégradé (16% des logements sont potentiellement indignes).
Mais en même temps, elle s’inscrit pleinement au cœur du processus de métropolisation, avec une bonne desserte en transports collectifs et de nombreux projets d’aménagement d’ampleur (Jeux Olympiques Paris, Grand Paris Express etc.) et de requalification urbaine (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés etc.). Par conséquent, le rythme de construction de logements y est plus soutenu qu’ailleurs, renforcé par une ambitieuse stratégie portée par Plaine Commune
Quels sont les grands axes de la politique de logement de Plaine Commune et en quoi cette politique s’intègre-t-elle dans une approche du droit au logement et du droit à la ville ?
Plaine Commune a sans cesse revendiqué une politique urbaine qui garantisse le droit à la centralité, et cela vaut aussi pour le logement. Cela signifie que les populations qui y vivent et en particulier les ménages populaires, ont droit à toutes les aménités qui font ville (emploi, transports, commerces, etc.).
Cela passe évidemment par une politique ambitieuse d’aménagement et de renouvellement urbain mais cela ne doit en aucun cas avoir pour conséquence l’augmentation du coût du logement qui forcerait les populations locales à se déplacer en seconde couronne de la métropole par des mécanismes d’éviction et de gentrification bien connus.
C’est la raison pour laquelle nous portons une politique ambitieuse de construction de logements (4 200 logements neufs par an) et diversifiée (40% de logements locatifs sociaux, pour les familles ou pour les étudiants et jeunes actifs, ainsi qu’une part d’accession sociale à la propriété).
C’est cette ambition qui permettra à la fois l’accueil de nouvelles populations dans un objectif de mixité sociale sans que cela se fasse au détriment des populations locales. Il ne servirait à rien de requalifier ce territoire si la population est également remplacée et que les habitants actuels ne peuvent en bénéficier
Avec quelles compétences d'et quels mécanismes de financement Plaine Commune a-t-elle développé une politique du logement ? Quel niveau de coopération sur le logement existe-t-il entre les villes et les offices publics du territoire ?
Plaine Commune dispose de la compétence habitat, mais aussi de l’aménagement et du foncier. Cela lui confère la capacité d’agir sur ces trois dimensions et de proposer sa propre stratégie qu’elle met en œuvre grâce à l’appui d’une autre structure juridique qu’elle a créée, appelée Plaine Commune Développement. Cette dernière permet notamment de vendre des droits de construire aux promoteurs normalement plafonnés par rapport à ce que le marché pourrait absorber.
En contrepartie, les promoteurs s’engagent à ne pas dépasser une limite de prix fixés pour les logements neufs. Cette politique permet aux ménages de poursuivre leur parcours résidentiel en accession à la propriété (ils représentent 1/3 des acquéreurs dans le neuf) et positionne Plaine Commune comme le territoire le moins cher parmi ceux jouxtant Paris.
Plaine Commune finance la création et la réhabilitation des logements sociaux que développe le bailleur intercommunal Plaine Commune Habitat, ainsi que l’Office municipal d’Aubervilliers. Le territoire soutient aussi les autres bailleurs sociaux en leur accordant la garantie des emprunts en contrepartie de contingents de logements rétrocédés ensuite aux villes.
Plaine Commune a des politiques concrètes au niveau de l'amélioration des quartiers et du renouvellement de l'habitat ?
Plaine Commune est engagée aux côtés de l’Etat en faveur de la requalification des quartiers. Le programme de l’Agence Nationale de la Rénovation urbaine doit améliorer la situation de 14 quartiers, principalement constitués d’habitat social des années 60 et 70 et qui sont le plus souvent démolis pour être reconstruits. Cette transformation de l’habitat est aussi l’occasion d’introduire davantage de mixité dans les typologies et les formes d’habitat proposées.
Des logements dans le quartier Pleyel à Saint Denis © W.Vainqueur
Le territoire est également engagé contre l’habitat privé dégradé grâce à différents dispositifs opérationnels (veille, prévention, financement de travaux, lutte contre les marchands de sommeil, etc.)
Pourquoi pensez-vous qu'il est nécessaire de défendre le droit au logement au niveau national et international sur la base d’une alliance entre les villes à travers le monde ?
La croissance urbaine et le phénomène de métropolisation sont des processus d’ampleur mondiale qui peuvent produire de l’émulation, de l’attractivité et de la richesse, mais aussi beaucoup des inégalités et de l’exclusion si on n’introduit pas des mécanismes de régulation et de compensation. Par conséquent le modèle de la « ville inclusive » et équilibrée ne peut se réaliser sans une forte intervention publique forte pour penser une ville bien équipée, dotée des moyens de transport adéquats, qui respire et qui peut accueillir ses habitants et ses salariés dans de bonnes conditions sans les éloigner toujours plus des bassins d’emplois et des centralités urbaines.
Une alliance des villes concernées par les mêmes phénomènes est nécessaire à la fois pour faire émerger cette conception de la ville pour tous dans tout le monde, mais aussi pour partager les démarches opérationnelles et les outils de maîtrise publique garant de l’intérêt général. C’est le message que Plaine Commune porte au sein de CGLU.