24/07/2025

Les gouvernements locaux pour les droits humains : renforcer le multilatéralisme inclusif pour défendre la dignité pour toutes et tous

Le 22 juillet dernier, plus de 50 représentants de gouvernements locaux et régionaux, d’organisations de la société civile, du monde académique et de mécanismes des Nations Unies pour les droits humains se sont réunis au siège du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) à Genève. Ce dialogue de haut niveau a réaffirmé un principe fondamental : la véritable protection des droits humains commence au niveau local.

Dans son discours d'introduction, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Volker Türk, a souligné le rôle transformateur des gouvernements locaux et régionaux dans la construction d'« une alternative à la politique traditionelle, une opportunité d'inclusion, de diversité, de multiculturalisme et un avenir pour la politique de bienveillance ».

Une étape fondamentale : présentation du Cadre d'orientation pour la construction d'une ville des droits humains

Au cœur de l’événement se trouvait la présentation du Cadre d’Orientation pour Construire une Ville de Droits Humains, un document co-développé avec le HCDH et consolidé à partir de l’expérience de gouvernements locaux pionniers en matière de droits humains.

Ce cadre identifie les piliers clés pour ancrer les droits humains dans la politique locale :

  • Fondements politiques et juridiques

  • Structures institutionnelles

  • Outils opérationnels

Comme l’a souligné la Secrétaire générale de CGLU, Emilia Saiz  : 

« Ce cadre fournit les étapes et les outils pour  traduire les droits humains en actions concrètes au sein de nos villes. »

Consultez le cadre d'orientation ici (disponible uniquement en anglais)

Les gouvernements locaux comme garants et pionniers des droits

Depuis La Haye, Barcelone, Santa Fe, Winnipeg, Gdansk, Quilmes, Rosario, Grigny, Banjul et Sao Paulo, des dirigeants locaux ont présenté leurs politiques pionnières en matière de droits humains. Leurs interventions ont démontré que les villes ne se contentent pas d'agir en tant que garantes du cadre universel, mais qu'elles construisent également une nouvelle génération de droits, en plaçant au centre les soins, la démocratie locale et la lutte contre le racisme. Ces éléments s'articulent autour d'une offre renouvelée de services publics, impulsée par le mouvement municipaliste représenté par CGLU.

Placer les soins au cœur des politiques de droits humains

Les politiques de soins et la perspective de genre ont été au cœur du débat. Le leadership de notre coprésidence de la Seine‑Saint‑Denis a été mis en avant, soulignant la création du premier Observatoire des violences envers les femmes en France (OVF), qui inspire aujourd’hui des expériences similaires en Palestine et au Cameroun. Depuis Quilmes, Gdansk, Rosario, Barcelone et São Paulo ont été partagées des politiques locales en faveur de l’égalité, de la lutte contre les violences envers les femmes, de l’attention portée aux personnes migrantes et de la promotion des droits LGBTIQA+.

Une vision commune a été réaffirmée : une économie qui valorise le soin et mesure la croissance par le bien‑être des personnes, et non par le PIB.

Politiques pour promouvoir l'antiracisme

Des délégations de villes comme New York et São Paulo ont partagé des stratégies pour combattre le racisme structurel depuis le niveau local :

  • Campagnes éducatives

  • Organismes de lutte contre la discrimination

  • Accès équitable à l’emploi (comme le quota de 20 % pour les personnes noires à São Paulo)

Démocratie locale et participation citoyenne

Le renforcement de la démocratie locale a été un autre axe important du dialogue. Des expériences ont été partagées sur la décentralisation territoriale (Santa Fe), les modèles participatifs (Gdansk) et l’importance de reconnaître le rôle des communautés actives dans la défense des droits.

Économie fondée sur les droits et marchés publics responsables

L’événement a mis en lumière le potentiel transformateur des marchés publics pour les droits humains. Barcelone et Utrecht ont montré comment elles appliquent des critères de droits humains dans leurs processus de passation de marchés, y compris au niveau international. Les deux villes rompent leurs liens avec des entreprises impliquées dans des violations des droits, et promeuvent une économie publique plaçant la dignité et la justice au centre.

Depuis Winnipeg, l’importance d’intégrer les communautés autochtones dans l’économie locale et de développer des mécanismes d'achat public équitables et durables a été soulignée.

Avantages comparatifs des gouvernements locaux pour la mise en œuvre des droits humains

Au cours de l'événement, le Rapporteur spécial des Nations unies sur l'extrême pauvreté et les droits humains, Olivier De Schutter, a souligné les éléments qui placent les gouvernements locaux et régionaux dans une position stratégique non seulement pour mettre en œuvre, mais aussi pour innover dans la réalisation effective des droits humains. Leur proximité avec les citoyens et leur capacité d'action directe en font des acteurs essentiels pour impulser une nouvelle approche de  prestation de services publics axée sur les droits humains.

Parmi leurs avantages comparatifs, les suivants ont été soulignés :

  • Agilité : les villes ont une capacité d'adaptation unique et peuvent réagir plus rapidement que les niveaux nationaux, en particulier dans des contextes de crise.

  • Participation publique : les gouvernements locaux sont mieux placés pour impliquer directement les citoyens dans la conception, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques.

  • Coordination : la mise en œuvre des droits économiques et sociaux nécessite une coordination intersectorielle plus efficace, ce qui est plus facile à réaliser au niveau local.

  • Expérimentation : dans certaines villes, comme en France, le droit à l'expérimentation est reconnu dans la législation locale, ce qui permet de tester de nouvelles façons de garantir les droits.

À ce titre, les gouvernements locaux s’affirment comme des acteurs clés de l’innovation démocratique et sociale, œuvrant à l’effectivité des droits humains à l’échelle locale.

 

Défis communs : financement, compétences et coopération multiniveaux

Plusieurs dirigeants ont convenu que sans compétences adéquates et un financement suffisant, les droits ne sont pas garantis. L’autonomie fiscale, le travail conjoint entre les différents niveaux de gouvernement et le soutien des organismes internationaux ont été identifiés comme des conditions clés pour progresser.

Depuis la SALGA, la nécessité d’un accompagnement des autorités locales dans les processus de formation et d’articulation a été réaffirmée. La nécessité de créer des mécanismes d’accréditation et de reconnaissance pour les Villes de Droits Humains a également été évoquée, afin d’apporter légitimité et visibilité à ce modèle de gouvernance.

Un appel politique au courage, à la coopération et à l’action collective

L'événement s'est conclu par un appel puissant de notre coprésident Philippe Rio, maire de Grigny :

« La situation actuelle nous exige audace et résistance. Le multilatéralisme inclusif que proposent les villes n’est pas une alternative, c’est une nécessité. »

Rejoignez notre campagne mondiale : « 10, 100, 1 000 Villes et Territoires de Droits Humains pour 2030 ».

Cette rencontre marque une nouvelle étape dans la consolidation du mouvement mondial des Villes et Territoires de Droits Humains. Nous invitons davantage de gouvernements locaux à rejoindre la campagne et à travailler ensemble pour un multilatéralisme plus inclusif, du local au global.

Si vous souhaitez vous joindre à la campagne, veuillez contacter le Secrétariat exécutif de la CISDPDH à l'adresse suivante : [email protected]

 

Réunion préparatoire du mouvement mondial des Villes des droits humains

L'événement a été précédé d'une réunion préparatoire avec plus de 20 acteurs clés d’institutions et villes du mouvement mondial des Villes des droits Humains, qui s'est tenue le 21 juillet au Palais des Nations, siège du HCDH.

Des représentants de notre coprésidence de Gwangju, avec le professeur Gyonggu Shin, à des acteurs tels que Marta Sciarek (Association des villes polonaises), Shams Asadi (cheffe du Bureau des droits humains de Vienne) ou encore Morten Kjaerum (Institut Raoul Wallenberg), les participants ont partagé des exemples concrets et inspirants de mise en œuvre locale des droits humains.

La rencontre a également permis d'identifier des défis communs et d'ouvrir de nouvelles voies de collaboration. Il a notamment été suggéré de poursuivre ce dialogue dans le cadre du prochain Forum des villes des droits humains de Gwangju, prévu en 2026.

« Des réalités locales à la responsabilité mondiale : l'intégration des gouvernements locaux et régionaux dans l'établissement de rapports et la mise en œuvre des droits humains »

Tel était le titre de l'atelier qui s'est tenu le 23 juillet à Genève et qui a exploré comment les mécanismes nationaux de mise en œuvre, de rapport et de suivi (NMIRF, selon l'acronyme anglais) peuvent servir de ponts entre les normes internationales en matière de droits humains et les réalités du terrain.

La session a réuni plus de 100 participants, parmi lesquels des représentants des gouvernements locaux et régionaux, des réseaux de villes, de la société civile, des experts indépendants et des agences des Nations unies, afin d'analyser comment inclure les LRG dans le suivi des droits humains.

Des expériences provenant de plus de 40 pays ont été partagées, soulignant que la reconnaissance des gouvernements locaux comme co-responsables du cycle de suivi n'est pas seulement une question de justice, mais aussi d'efficacité institutionnelle.

Lisez le résumé de la réunion en cliquant sur ce lien (disponible en anglais).