09/05/2018

Pour des stratégies de logement à partir des droits humains : publication du Rapport annuel de la Rapporteuse spéciale sur le logement convenable

À l'occasion de la dernière session du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies (février-mars 2018), la Rapporteuse spéciale de l’ONU a présenté les grandes lignes de son dernier rapport.  Saluant les initiatives des gouvernements locaux à cet égard, elle a néanmoins souligné la nécessité de faire progresser les agendas et engagements internationaux sur la question du droit au logement.

Ce rapport vient en appui de la campagne « Make The Shift », lancée par la Rapporteuse avec le soutien de CGLU et de la Commission afin de mobiliser sur le plan international l’ensemble des acteurs impliqués  dans la réalisation de l’agenda 2030.

Envisager la question du logement sous l’angle des droits : quelles perspectives ?

Le point de départ du rapport est mis sur la nécessité de faire la différence entre les politiques et les stratégies de logement. Selon la Rapporteuse, une politique du logement « est composée de plusieurs programmes qui traitent des problèmes qui se posent dans le domaine, notamment le sans-abrisme, l’offre de logements sociaux ou l’accès au logement sur le marché privé ». En revanche, les stratégies de logement « sont menées à un niveau plus élevé que les politiques et programmes de logement et reposent sur une vision des changements structurels qu’il faudra mettre en œuvre au fil du temps ».

Les stratégies de logement fondées sur les droits de l’homme devraient considérer le droit au logement non seulement comme un ensemble de normes juridiques, mais aussi comme une vision porteuse de changement et comme un appel à l’action. Cette vision encourage les pouvoirs publics locaux et nationaux, les mouvements sociaux et les populations du monde entier à agir. Les stratégies ne doivent pas être « figées » mais doivent être modifiées et adaptées au fur et à mesure que de nouveaux problèmes se présentent et que de nouvelles voix se font entendre.

Rapporteure spéciale sur le logement convenable

Dans le cadre des objectifs globaux établis par le Programme 2030, une stratégie de logement doit donc veiller à ce que personne ne soit laissé-pour-compte. Cela implique qu’elle doit viser « la transformation des sociétés où un nombre important de personnes est privé de droit en matière d’accès au logement alors qu’il est un moyen de garantir la dignité et l’inclusion ». Selon la Rapporteuse, le cadre posé par les droits humains est essentiel pour garantir l’efficacité globale des stratégies de logement parce qu’il fait office de « mécanisme de correction qui permet de réévaluer les composantes des stratégies de logement pour qu’il n’y ait pas de laissé-pour-compte ». Il permet d’éclairer la prise de décisions et précise les responsabilités de chacun.

Quels principes clés ?

La Rapporteuse propose dix principes clés pour constituer une stratégie de logement fondée sur les droits humains : (1) avoir comme base le droit et les normes juridiques (le droit au logement devrait être reconnu dans les stratégies de logement comme un droit prévu par la loi et faire l’objet de recours utiles) ; (2) accorder la priorité à ceux qui en ont le plus besoin et garantir l’égalité ; (3) tenir compte de tous les aspects à l’échelle de l’ensemble de l’administration ; (4) garantir une participation fondée sur les droits (c’est-à-dire, « viser à garantir la participation des personnes concernées à tous les stades, de la conception au suivi, en passant par la mise en œuvre » ) ; (5) établir des budgets responsables et parvenir à une justice fiscale (en conformité avec l’engagement d’agir au maximum des ressources disponibles et par tous les moyens appropriés) ; (6) fixer des échéances et des objectifs fondés sur les droits (en conformité avec les résultats qu’ils se sont engagés à obtenir dans le Programme 2030 et le Nouveau Programme pour les villes) ; (7) mettre en place un mécanisme de responsabilisation et de suivi (en notant que « le suivi efficace de la mise en œuvre et des résultats des stratégies de logement est une obligation ferme des États ») ; (8) garantir l’accès à la justice (« d’accès à des recours en cas de violation des droits ») ; (9) établir clairement les obligations des acteurs privés et réglementer les marchés de la finance, du logement et de l’immobilier ; et (10) mettre en place une coopération et une assistance internationales.

[Voir le rapport]

Dans le rapport, chacun de ces dix principes s'accompagnent de descriptions spécifiques et propose des exemples concrets d'actions publiques (essentiellement à l’échelle locale) pour mettre en œuvre le droit au logement.

Le rôle des gouvernements locaux et de la coopération internationale

Il convient de noter qu’ils existent plusieurs mentions spécifiques dans le rapport qui montrent des actions de municipalités déjà engagées pour le droit au logement. C’est le cas de Séoul, en tant que ville des droits humains qui vise à garantir l’accès à la justice de la population : « plusieurs villes ont ouvert un bureau de médiateurs, qui accompagnent les personnes dans leur dépôt de plainte pour violation du droit au logement (…) Séoul a créé une commission des droits locale et un bureau de médiateurs auprès desquels les habitants peuvent présenter leurs situations ».

Le rapport souligne également les efforts de plusieurs municipalités pour établir les obligations des acteurs privés et réglementer les marchés de la finance, du logement et de l’immobilier : « De nombreuses collectivités territoriales obligent les promoteurs immobiliers à construire un quota de logements à faible coût : à Montréal, il est de 15 %, tandis qu’à Londres, il est de 25 % et dans l’agglomération de Plaine Commune, près de Paris, il est de 40 % ».

Le rapport défend également la nécessité d'assurer l’autonomie locale par rapport au droit au logement dans domaines tels que la réglementation des marchés de la finance et du logement, l'accès à des finances locales renforcées ou la participation. Ainsi, « les stratégies (de logement) doivent veiller à ce que des fonds suffisants, des mécanismes de taxation ou d’autres moyens de garantir des ressources soient mis à la disposition des autorités locales lorsque celles-ci se voient attribuer des responsabilités en matière de logement ». Le rapport souligne aussi que « les administrations locales jouent un rôle d’intermédiaire essentiel en ce qui concerne la promotion de la participation, du fait qu’elles sont souvent mieux placées pour collaborer directement avec les communautés locales et tenir compte de leurs préoccupations dans les affaires locales, les négociations intergouvernementales et les stratégies nationales ».

Enfin, le rapport rappelle l'importance de la coopération intermunicipale et la solidarité internationale pour faire avancer le droit au logement. Il mentionne donc l’Engagement de Bogotá et l’Agenda d’action de CGLU, « qui propose des approches innovantes pour intégrer les gouvernements locaux aux institutions et aux mécanismes internationaux de développement afin de garantir la mise en œuvre du Nouveau Programme pour les villes » et note comme CGLU s’est allié au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et à la Rapporteuse spéciale afin de mettre en place « The Shift ».

Des gouvernements locaux du monde entier se mobilisent pour s’engager dans le droit au logement au sein du mouvement « Make the Shift » de la Rapporteuse Spéciale de l’ONU. Nous invitons les représentants locaux qui souhaiteraient suivre ce processus et rejoindre le mouvement à contacter [email protected]