26/11/2014

Cotacachi (Equateur) intègre les femmes indigènes à travers le budget participatif

Le canton de Santa Ana de Cotacachi est une municipalité située dans la province équatorienne d’Imbabura. Sa population compte plus de 37 250 habitants, dont 80% vivent en milieu rural. La municipalité se distingue par la diversité ethnique et culturelle : 60% de la population est d’origine quechua, 35% est blanche-métisse et 5% est afro-équatorienne.

Histoire : 

Sa population rurale a été traditionnellement exclue des processus de développement, avec un mauvais accès à l’eau potable et à l’assainissement et l’un des taux les plus élevés du pays en matière de mortalité infantile. La municipalité a un budget annuel de 3 millions de dollars et jusqu’en 1996 elle a été gouvernée par la communauté blanche et métisse. La ségrégation frappait tout particulièrement les femmes autochtones des régions rurales. L’élection du maire autochtone Auki Tituaña en 1996 (et ses réélections successives en 2000 et en 2004) a modifié les structures gouvernementales locales. Après la mise en place des Assemblées annuelles de l’unité cantonale, des comités de coordination des femmes ont été créés dans trois zones : zone urbaine, zone andine et zone subtropicale. La participation des femmes est devenue de plus en plus active avec la création du budget participatif en 2002.

Principaux objectifs : 

Les principaux objectifs du budget participatif ont été de favoriser la participation sociale, ethnique, intergénérationnelle et, notamment, de genre, de rendre la gestion du budget municipal plus transparente et de parvenir à une autogestion qui valorise la contribution économique de la communauté. En 2003, le Comité de Suivi (constitué de membres de la communauté) a servi à superviser la mise en place des programmes et des travaux préalablement approuvés. En 2003, l’expérimentation du Budget participatif de Cotacachi s’est fixé un nouveau défi : encourager la participation des femmes, notamment dans les régions rurales, par le biais de la création de mesures de discrimination positive pour les femmes. Des ateliers spécifiques servent à créer un environnement de collaboration où les femmes autochtones se sentent « à l’aise » et surmontent leur comportement traditionnellement passif en public. Leur participation a augmenté.  L’usage de la langue des communautés locales, que les femmes maitrisent plus souvent, ainsi que des ressources pédagogiques employant des couleurs, des symboles (fruits à coque et graines), et d’autres objets de la vie quotidienne a été d’une grande utilité.

Résultats :

L’essor et l’autonomisation des femmes de Cotacachi dans le processus du budget participatif ont entraîné une série de transformations dans la gestion et dans les politiques municipales :

  • Une équipe technique municipale a été spécialement formée aux techniques participatives et a été renforcée par une équipe constituée essentiellement de femmes
  • Plus important encore, les politiques et les projets visant à améliorer les conditions de vie des femmes et de leurs familles qui ont été débattus au sein des processus du budget participatif ont contribué à détailler le contenu du Plan de Développement cantonal, du Plan de Santé cantonal, du Plan de Gestion environnementale, des Plans paroissiaux et des Plans communautaires qui  ont ainsi été institutionnalisés grâce à leur approbation formelle.
  • Les résultats de l’expérimentation ont été fortement visibles. En 2003, la campagne « Yo, sí puedo » a été lancée impliquant 1 667 personnes (65% de femmes) qui ont appris à lire et à écrire.  Depuis, 10% des femmes autochtones et 20% de l’ensemble des femmes adultes ont appris à lire grâce à ce programme. Cotacachi a été déclaré premier canton équatorien sans illettrisme par les Nations Unies.
  • Depuis la mise en place du budget participatif, plus des deux tiers des ressources municipales ont été allouées aux zones rurales, en opposition radicale aux formules appliquées par le passé. Il y a eu des progrès importants dans l’électrification rurale, dont une couverture de 95% dans la région subtropicale, tandis que 12% du budget annuel a été alloué à l’assainissement de base.
  • Dans le budget participatif, les femmes ont fortement privilégié les soins de santé. En 2003, il a été décidé que la municipalité contrôlerait la prestation des soins de santé (par le biais d’un accord avec l’État rendu possible par la loi équatorienne). On a procédé à la création d’un comité local tripartite constitué de la municipalité, de la communauté et des professionnels des soins de santé. Les progrès atteints sont considérés uniques dans le pays : en quelques années, la mortalité des enfants a été ramenée à 0% et il existe des spécialistes de gynécologie, pédiatrie, chirurgie, radiologie et des « docteurs de famille » pour les femmes rurales. En 2004, un programme holistique de prévention a vu le jour, et des ressources ont été allouées pour améliorer les services de soins mère-enfant dans les centres de santé du canton.
  • En outre, la promotion de la médecine traditionnelle a été approuvée, valorisant le savoir-faire ancestral autochtone et beaucoup de citoyens ont reçu des formations (notamment les femmes) alors qu’auparavant ils exerçaient de façon informelle des professions qui nécessitent une formation continue et la mise à jour des techniques pour garantir la santé des mères et des enfants. 
  • Du point de vue économique, elle a renforcé la production de la main-d’œuvre de la population locale et a permis une redistribution des produits par le biais d’un système municipal ouvert et transparent. 

L’expérience de Cotacachi est allée, et vise à aller, au-delà de la simple distribution et du contrôle des ressources publiques afin d’avoir des impacts économiques, politiques, sociaux et culturels durables. D’une manière générale, le budget participatif de Cotacachi constitue un exemple de réussite de gestion municipale sur le plan national et international, qui s’est vu décerner plusieurs prix internationaux (comme la distinction pour les Meilleures pratiques de l’OIDP en 2006).

Cette politique continue à se baser essentiellement sur la participation ouverte et met l’accent sur la discrimination positive de genre et d’ethnie, sans oublier les droits plus universels à la participation. Le fait que le budget participatif et plusieurs politiques émanant des résultats de celui-ci se soient poursuivis après la défaite électorale du maire Auki Tituaña en avril 2009 prouve le degré d’enracinement social et de durabilité auquel ces politiques sont parvenues.

Le cas de Cotacachi met en relief l’importance de la volonté politique comme pré-requis pour favoriser le développement d’une culture de la participation dans la société locale, mais les acteurs institutionnels doivent assumer les risques de l’émancipation des populations en donnant aux partenaires sociaux un espace réel pour définir leurs politiques et contrôler l’exécution de leurs projets et travaux. Cela prouve également que, pour que les projets décidés en commun puissent se concrétiser dans I ‘espace urbain/rural (donnant donc de la légitimité au processus participatif), il doit y avoir un niveau élevé d’articulation entre les institutions et un fort investissement pour sensibiliser et former le personnel municipal.

Pour accéder à l'étude de cas complète Étude complète

Pour plus d'information : Observatoire Villes Inclusives