Dans le cadre de l'initiative "Droits Humaines 75" visant à commémorer le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la Commission Inclusion Sociale, Démocratie Participative et Droits Humains de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU-CISDPDH) interview le Bureau des droits humains de Chiguayante (Chili) sur ses efforts locaux de promotion des droits humains pour la prévention et la paix, l'axe thématique du mois de juillet défini par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme.
Cette année est encore plus spéciale pour cette ville de 86 000 habitants située dans l'est du Chili : en plus de se joindre à la commémoration internationale, le Chili commémore également le 50e anniversaire du coup d'État du dictateur Pinochet (11 septembre 1973) avec une série d'activités tout au long de l'année 2023 : campagnes de sensibilisation avec des élèves du secondaire, hommages lors de la Journée internationale des détenus disparus et des pièces de théâtre pour promouvoir la perspective de genre sont quelques-unes des activités que vous trouverez dans ce calendrier.
1. Pourquoi promouvoir les droits humains pour la prévention et la paix dans votre municipalité ?
Bien qu'en termes juridiques1 il incombe à l'État de garantir les droits humains à la population sans distinction ni discrimination, la promotion des droits humains n'est possible qu'à travers l'articulation de l'État avec les municipalités, afin de les matérialiser dans des actions concrètes.
Le coup d'État perpétré il y a 50 ans par les forces armées, avec l'appui de civils, nous a plongés dans les ténèbres d'une dictature de 17 ans qui a systématiquement violé les droits humains de la population de notre pays de la manière la plus cruelle. Cette étape nous émeut et, à partir de la conscience démocratique qu'un avenir meilleur sans violence est possible, nous assumons tous les défis et les dettes en suspens que nous avons en tant qu'État et société envers ceux qui ont souffert de la violence, de la répression, de la mort et de la disparition de leurs familles et de leurs proches, de la torture et de l'emprisonnement politique.
Dans le domaine de la sécurité publique et de la prévention, nous promouvons une politique transversale dans toutes les actions de la municipalité de Chiguayante. L'objectif est de résoudre les problèmes de peur, de violence et de criminalité, par la mise en place d'une approche préventive de manière intersectorielle, des partenariats public-privé et ce, aux différents niveaux de l'État.
Afin de prévenir la criminalité et de promouvoir la paix, il est nécessaire d'appliquer une approche fondée sur les droits humains dans les politiques et programmes publics de notre commune. En ce sens, nous prenons en compte les principes de responsabilité, d'universalité, de non-discrimination et d'équité, d'indivisibilité des droits et de processus participatif dans la prise de décision.
De même, dans la municipalité de Chiguayante, nous plaçons l'inclusion sociale au centre de nos préoccupations en accordant une attention particulière aux secteurs de la population en situation de vulnérabilité dans la commune, tels que les personnes âgées, les femmes et les personnes handicapées. Ces secteurs ne disposent souvent pas des ressources nécessaires pour faire valoir leurs droits, c'est pourquoi notre effort de promotion des droits humains passe par l'information, la sensibilisation et la mise en place de procédures d'égalité d'accès pour l'ensemble de la population.
2. Quelles initiatives Chiguayante soutient-elle pour promouvoir la prévention et la paix ?
En termes de prévention, la municipalité de Chiguayante cherche à promouvoir un environnement qui permette à la communauté de se développer dans tous les domaines sans crainte, en disposant de la sécurité nécessaire pour exercer ses droits et assumer ses responsabilités dans la démocratie et la participation. En ce sens, nous nous centrons sur les groupes sociaux les plus vulnérables et sur les différents cycles de vie afin de parvenir à l'équité.
Notre travail avec les enfants et les adolescents se focalise sur la prévention de la consommation d'alcool et de drogues et sur la violation des droits et la violence. Avec les femmes, nous travaillons sur la prévention de la violence domestique, le soutien psycho-socio-juridique, la violence dans les relations amoureuses et le soutien à l'autonomisation et à l'indépendance financière, entre autres. Nous travaillons avec les personnes âgées dans un centre de jour, où nous cherchons à promouvoir et à renforcer l'autonomie et leur indépendance en les maintenant dans leur environnement familial et social. Par le biais d'une assistance régulière, des services de soutien socio-sanitaire et psychosocial sont offerts sur une base horaire. Dans le cas des personnes à mobilité réduite, afin de favoriser leur inclusion, nous avons généré des actions pour mettre en œuvre une stratégie de développement local inclusif, et nous travaillons à l'amélioration de l'accessibilité sur les voies publiques.
En termes universels, nous soulignons également notre travail de récupération des espaces publics afin d'offrir des conditions de dignité et de promouvoir la vie communautaire. Cette action est complétée par un large éventail d'ateliers sportifs et culturels qui mobilisent la communauté et encouragent le bon usage des espaces publics.
En matière de sécurité et de paix, nous avons placé les citoyens et la protection de la personne humaine au centre de nos efforts de protection.
Ainsi, nous effectuons des patrouilles de sécurité avec un rôle éminemment préventif, en soutenant les citoyens et les organisations territoriales et fonctionnelles. Parallèlement, nous encourageons la coresponsabilité et la participation démocratique en matière de sécurité, tout en renforçant l'organisation et le contrôle social des quartiers grâce à des initiatives telles que les alarmes communautaires ou le développement de projets basés sur les besoins des territoires.
Notre approche de la promotion de la participation citoyenne et de la transparence consiste à rapprocher les institutions des territoires et à recueillir des informations auprès de leurs habitants, ce que nous faisons par l'intermédiaire des conseils communaux de sécurité publique. Cette stratégie permet de responsabiliser les responsables et de favoriser la participation active des détenteurs de droits.
Tout cela contribue à ce que les habitants de Chiguayante puissent développer leurs projets de vie en paix et sans crainte, afin d'exercer leurs droits et libertés et d'assumer leurs responsabilités de manière démocratique et participative.
3. À quel type de coopération internationale aspirez-vous pour mieux promouvoir la prévention et la paix ?
Nous aspirons à travailler avec l'organisation Cure Violence, qui travaille sur un modèle qui traite la violence comme un processus épidémique qui peut être stoppé en utilisant les mêmes stratégies de santé que celles utilisées pour lutter contre les épidémies. Ce programme a été développé à l'origine à Chicago (États-Unis) à la fin des années 1990, où il a permis de réduire le nombre d'homicides de 24 %.
Le modèle a été reproduit dans d'autres villes du pays et commence à se répandre dans des pays tels que Trinité-et-Tobago, la Colombie, le Mexique et le Honduras. Considérer la violence comme un problème de santé est utile parce qu'il repose sur des bases scientifiques et rassemble des connaissances issues de la physiologie, de la biologie, des neurosciences, de la psychologie et de la sociologie. Cette compréhension scientifique de la violence montre que, comme les maladies contagieuses, la violence se concentre et se répand géographiquement (Zeoli et al., 2012 ; Cohen et Tita, 1999).
Cette théorie du changement s'appuie sur des personnes qui sont des membres de confiance des communautés qu'elles servent, soigneusement sélectionnées et formées pour interrompre l’extension de la violence, en utilisant une stratégie à trois volets :
1. Détecter et interrompre la diffusion de la violence.
2. Déterminer les prochaines personnes qui agissent comme maillon de propagation.
3. Examiner le potentiel de propagation (mesuré par l'attente de violence de la part des gens autour de l'émetteur potentiel).
Cure Violence est l'un des rares programmes à avoir prouvé son efficacité dans la prévention de la propagation d'actes criminels ayant un impact social majeur, tels que les homicides, dans les quartiers vulnérables. Basé sur le modèle de santé publique de la lutte contre la violence, il travaille avec les gangs pour chercher à résoudre pacifiquement les conflits entre les jeunes à risque. En outre, il vise à modifier réellement les comportements et les normes au sein de la communauté.
Cette action vise ainsi à apporter une réponse à la construction d’un droit à la sécurité humaine depuis une perspective locale progressiste.
Notes de bas de page :
1. L'article 5 de la Constitution politique de la République du Chili dispose que : "L'exercice de la souveraineté reconnaît comme limite le respect des droits essentiels qui émanent de la nature humaine. Il est du devoir des organes de l'État de respecter et de promouvoir ces droits".
Étant donné que les personnes sont titulaires de ces droits et qu'elles peuvent exiger de l'État qu'il les respecte, l'État doit disposer de mécanismes permettant de les faire respecter et de protéger et restituer les droits en cas de violation ou d'inexécution.
2. L'article 1 de la loi organique constitutionnelle n° 18.575 sur les bases générales de l'administration de l'État stipule que : "L'administration de l'État est constituée, entre autres, par les municipalités". Les municipalités étant des organes de l'administration de l'État, elles ont l'obligation de respecter et de promouvoir ces droits, garantis par la Constitution, ainsi que par les traités internationaux ratifiés par le Chili et en vigueur.
L'article 3 de la loi organique constitutionnelle des municipalités n° 18.695 dispose que "la municipalité a pour objet de promouvoir le développement communautaire".
De même, l'article 4 de la même loi établit que : "Les municipalités peuvent exercer des fonctions telles que l'éducation, la culture, l'assistance sociale, la promotion de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, entre autres".
Afin de remplir cette mission, la municipalité de Chiguayante a créé, par le décret du maire n° 921 du 29 juillet 2020, le Bureau des droits humains et de la communauté au sein de la Direction de la sécurité publique, des urgences et de la protection civile. Depuis cette date, il travaille sur des activités de diffusion, de promotion et de défense des droits humains pour les résidents de la commune de Chiguayante.