(Source: Magali Fricaudet, Coordinatrice Commission Inclusion Sociale, Démocratie Participative et Droits Humains)
Du 16 au 18 novembre dernier, se tenait à Madrid la Conférence Villes Démocratiques organisée par la Ville de Madrid et le MediaLab Prado en partenariat avec la Commission Inclusion Sociale, Démocratie Participative et Droits Humains de CGLU. Trois jours de rencontres internationales pour échanger des expériences pour mettre les technologies de l’information et de la communication au service du bien commun et de la démocratie, réunissant cinq cents participants citoyens, représentants politiques, agents du service public local et hackers.
Du 15 M à l’institution municipale : les technologies collaboratives au service de la démocratie locale
Depuis le 15 M, les Indignés espagnols ont prolongé les débats sur les places publiques via des outils collaboratifs en ligne sur des logiciels libres. C’est le cas de la Plateforme CONSULCON, un outil de participation citoyenne sur logiciel libre mis en place à Madrid et Barcelone à travers les sites Decide Madrid et Decidim Barcelona (voir interview avec Miguel Arana, directeur de participation de Madrid).
Consul permet aux citoyens de proposer des initiatives, de contribuer aux projets d’ordonnances municipales, ou encore de voter pour leurs projets préférés lors des budgets participatifs. Cette plateforme en ligne a déjà été mise en place dans une cinquantaine de collectivités du monde entier grâce au soutien de la ville de Madrid qui a mis en place un service international spécial pour accompagner les organismes publics qui souhaitent mettre en place cet outil de façon gratuite.
La conférence a ainsi permis aux collectivités du monde entier utilisant Consul de réaliser deux jours de travail collaboratif et de conférences techniques autour de la plateforme, actuellement le logiciel libre au service de la participation plus important du monde. La conférence avait ainsi pour objectif de réunir les villes qui utilisent cette plateforme ainsi que des « hacktivistes » et des citoyens qui mettent toute leur créativité numérique au service du droit à la ville.
Un événement pour faire réseau et partager des outils au service du droit à la ville
L’événement Villes Démocratiques avait aussi un deuxième objectif plus opérationnel : débattre, penser et créer de nouveaux prototypes pour la démocratie au 21ème siècle ainsi qu’un nouveau système opérationnel libre et global au service de la participation. Ainsi, en amont de la conférence, le MediaLab Prado avait organisé un atelier de quinze jours « Intelligence collective pour la démocratie » réunissant une équipe interdisciplinaire du monde entier pour concrétiser des projets numériques au service de la démocratie locale et de la participation.
La Commission a surtout pris part à la conférence, où elle a mobilisé certaines villes de son réseau comme Nanterre, dont Anne Gaël Chiche est venue présenter le projet de l’Agora permanente, une démarche qui permet de faire participer les citoyens en ligne et hors ligne sur l’ensemble des projets de la ville et ayant reçu la distinction OIDP en 2017.
La ville est l’espace du renouvellement démocratique
Lors des trois jours de tables rondes, de débats et d’ateliers de la Conférence, des intervenants du monde entier sont venus partager de nombreuses expériences, corroborant l’idée selon laquelle c’est dans les villes qu’ont lieu les innovations démocratiques les plus intéressantes. Les interventions étaient centrées autant sur les finalités de la participation en terme de démocratie et de droit à la ville que sur la mise en œuvre des outils et leur appropriation citoyenne à travers des actions de communications et des projets pour réduire la fracture numérique.
La conférence a aussi permis aux participant·e·s d’échanger autour des défis posés : le changement de culture institutionnelle dans les administrations, la protection de la privacité et de la sécurité, le dialogue entre citoyens, informaticiens, élus et fonctionnaires.
La troisième journée de la conférence portait sur la démocratie du 21ème siècle. La journée a démarré par un dialogue entre Ada Colau, Maire de Barcelone et Manuela Carmena, Maire de Madrid, animé par Pablo Soto, Adjoint à la participation. Les Maires de Madrid et de Barcelone ont défendu l’idée que les défis du 21ème siècle pour la démocratie reposent sur la féminisation de la politique, au sens de la promotion de valeurs de coopération, d’écoute et d’empathie. Pour Ada Colau, « La démocratie du 21ème siècle doit pouvoir effacer les frontières entre l’institution et le citoyen ». Dans ce domaine, les nouvelles technologie ont un grand rôle à jouer.
Les tables rondes suivantes ont ainsi présenté de nombreuses expérimentations démocratiques : tirage au sort et vote à choix multiple, plateformes d’engagement citoyens, usage des technologies de l’information pour améliorer les relations entre élus et citoyens et notamment suivre les activités législatives, méthodes pour construire l’intelligence collective à partir d’en bas ou encore laboratoires et jeux comme pratique de décision collective.
Lors de cette journée, des mouvements citoyens sont aussi venus présenter leurs mobilisations et leurs liens avec les municipalités progressistes, comme Aurea Carolina, conseillère municipale de Belo Horizonte, issue du Mouvement Muitas, qui défend les droits des plus marginalisés au Brésil et a construit un programme d’action à partir de forums et de demandes citoyennes, ou encore la journaliste d’investigation tunisienne Lilia Weslati impliquée dans le mouvement de la révolution du Jasmin en Tunisie ou Benny NG, activiste de Hong Kong qui a participé au mouvement démocratique des parapluies.
Inverser le modèle de la «Smart City »
La Commission a animé la table ronde autour du numérique au service du bien commun, en présence de Chen- Yu Lee, de Taipei, de Francesa Bria, Directrice de Technologies et Innovations Numériques de la ville de Barcelone et de Patrick Braouezec, Président de Plaine Commune venu présenter le projet d’Urbanité Numérique au Service du Droit à la Ville. Autant de projets permettant d’inverser la tendance de la Smart City pour la mettre au service des citoyens. Francisca Bria a ainsi présenté le Plan de gouvernement numérique de Barcelone qui cherche à « décoloniser les technologies du numériques au profit du bien commun et des habitants ».
La journée s’est conclue par la projection du film « Meeting Snowden » de Larry Lessig et Brigitta Jónsdóttir en présence de cette dernière au Media Lab Prado, mettant en débat l’usage du numérique au profit de la transparence et du débat démocratique. Une façon de conclure cette journée en s’interrogeant collectivement sur la façon de faire face aux périls imminents pour la démocratie : le tout sécuritaire et les mesures restrictives qu’il suppose et les menaces qui pèsent sur les capacités des citoyens de se forger un esprit critique au milieu des médias de masse. La conférence s’est conclue sur un temps festif et de mise en réseau la « Party-cipa » ! Le rendez-vous est d’ores et déjà donné pour l’année prochaine.
Pour aller plus loin, vous pouvez aussi lire l’article en espagnol de Amalio Rey sur les 25 idées force du séminaire
Vidéo Vendredi 17 au matin (espagnol et anglais)
Vidéo Samedi 18 après-midi (anglais et espagnol)