17/04/2014

La philosophie de l’économie d’autosuffisance dans le village de Non Sila Leng (Thaïlande)

La « Philosophie de l’Économie d’autosuffisance » (PEA) est une approche du développement qui se fonde sur le bouddhisme pour créer un développement durable en intégrant les dimensions physique, sociale et spirituelle. Elle se base sur trois principes :

1. la modération est indispensable pour une protection suffisante contre les chocs internes et externes par le biais de la planification et de la mise en œuvre ;

2. le bons sens conseille d’appliquer les connaissances avec sagesse et prudence ;

3. et l’immunisation renforce la communauté pour qu’elle puisse gérer les impacts des événements externes (mondialisation). La pratique porte sur la mise en oeuvre de la PEA dans une communauté villageoise (depuis 1978) comprenant une rizerie, une banque de bétail, une nouvelle approche de l’agriculture, l’agriculture biologique, une coopérative, l’horticulture et l’entretien de sites spirituels.

Ces activités sont conditionnées par la répartition de l’espace en différentes zones correspondant aux moyens de subsistance, à l’environnement et à la spiritualité.

Objectifs

La PEA a pour but de créer une capacité d’autosuffisance pour que les villageois puissent survivre dans les régions rurales en intégrant la dimension du développement physique, du développement social et du développement spirituel. La capacité d’autosuffisance s’obtient grâce à la réduction des frais de déplacement et de l’achat d’engrais onéreux, et la création de sources de revenus basées sur la production locale. Elle découle également de l’usage durable de l’environnement, y compris des pratiques agricoles et de la répartition de la terre en différentes zones.

Enfin, la capacité d’autosuffisance se fonde sur la création et le maintien d’un système de partage des connaissances qui implique des visites régulières au temple bouddhiste. Ainsi, le temple est aussi un lieu de démonstration des principes essentiels de la PEA dans le domaine de l’agriculture.

Bénéficiaires

Les bénéficiaires sont les habitant-e-s du village, mais le programme implique également un réseau de villages voisins.La coopérative basée au village de Non Sila Leng compte actuellement 2 135 membres.

Grâce à la rizerie, la production agricole parvient au marché national et aux marchés internationaux. On accorde une importance particulière à la gestion collective de la production, à l’éthique du partage et de l’empathie. La participation est enracinée dans la gestion collective de la coopérative, de la rizerie et de la banque de bétail.

Le modèle de participation émane de la gestion du temple bouddhiste. Les personnes font périodiquement des efforts collectifs pour ressentir et faire vivre les principes de la PEA. Le chef et les villageois tissent une relation plus horizontale que hiérarchique.

Institutionnalisation

La PEA a été institutionnalisée par la mise en place de la coopérative et de la rizerie du village. Ces institutions sont reconnues par l’économie formelle et par l’administration locale. Le moine responsable de l’introduction de la PEA a créé une fondation avec le soutien du roi de Thaïlande. Plus généralement, différents gouvernements nationaux ont instrumentalisé la PEA à des fins politiques, à la différence du cas étudié.

Globalement, la PEA est une pratique qui soutien l’autonomie financière et productive de la communauté villageoise, tout en développant une économie durable sur le plan environnemental et en impliquant tous les membres de la communauté dans les processus de production et de gestion. Ainsi, le principe bouddhiste de l’empathie et du respect des personnes et de l’environnement fournit un fondement éthique. Les dépenses des ménages sont réduites, et il est possible d’économiser grâce à la distribution du riz au gros qui a lieu à la rizerie. Cette dernière permet de réduire le nombre d’intermédiaires intervenant dans la chaîne de production, au détriment des communautés locales.

La banque de bétail avec son système de prêt de vaches pour la traction et la fertilisation, a connu un véritable succès. Le modèle a été reproduit dans toute la région. Il en est de même du travail de la coopérative agricole, qui fournit aux paysans du nord-est du riz, des semences et des engrais organiques.

D’une manière générale, la PEA est devenu un instrument puissant d’inclusion économique sur la base des principes de la participation communautaire et du transfert participatif de connaissances.

Obstacles

La coopération entre le bureau de l’administration locale et la communauté villageoise telle qu’elle est décrite par le moine et leader spirituel a connu des frictions, dues à une confrontation entre l’approche moderne et laïque de l’administration et l’accent spirituel du développement communautaire dans le village.

L’intervention institutionnelle du gouvernement ne semble pas comprendre la sensibilité spirituelle liée à la mise en œuvre de la politique sur le terrain. La PEA a aussi été institutionnalisée dans le passé par les gouvernements militaires qui l’ont utilisée comme modèle économique pour couvrir des pratiques corrompues.

Ces problèmes liés au fait que la PEA se situe à l’interface du gouvernement, de l’administration et des communautés locales, révèlent aussi les conditions de la possibilité de transposer de la politique. Selon des personnes situées au niveau local, le transfert de la PEA exige de repenser un modèle spirituel de développement communautaire dans lequel les questions économiques, sociales et spirituelles sont étroitement liées.

 

Pour plus d'information, consulter l'étude complète : Observatoire Villes Inclusives

Pour consulter d’autres études de cas : http://www.uclg-cisdp.org/fr/observatoire